vendredi 11 avril 2014

Le Combat



J’avance à l’ombre des pins. Le bruit de mes pas est étouffé par l’épaisse couche d’aiguilles recouvrant le sol. L’odeur de la résine emplis l’air sec de cette radieuse journée. En passant à côté d’un arbre, je pose ma main sur l’écorce rugueuse du tronc. En fermant les yeux je me concentre et tente de percevoir la vie qui bat sous l’écorce. Le flux lent mais immuable de la résine, les ondes propagées par l’énergie du soleil le long des feuilles. Sa réaction avec la chlorophylle, si importante pour ma propre survie : l’absorption du dioxyde de carbone et le rejet de dioxygène. Je suis mentalement le processus de séparation des atomes qui permet à l’arbre d’utiliser le carbone pour croitre, lentement, mais  sans arrêt.
Ma méditation, ma communion avec l’arbre est stoppée net. Une vibration, un flux dans l’air me fait frissonner. Je rouvre les yeux et cherche à appréhender l’évènement, d’abord avec mes yeux et mes oreilles. Des animaux fuient. Tous dans la même direction. Ils ont peur. Je ressens le dégagement de pensées, de phéromones qu’ils déploient pour alerter tous leurs congénères. Leur terreur est telle qu’ils n’essayent même pas d’altérer leur trajectoire en s’approchant de moi, qui suis pourtant pour eux un prédateur redoutable. Je me protège derrière le tronc, pour éviter d’être bousculé. Le flux vital de l’arbre semble réagir à l’agitation qui règne.
Progressivement, les bruits s’estompent. Il ne reste plus que moi dans la zone. Le danger se rapproche, je le perçois moi aussi désormais. Une odeur nauséabonde, accompagnée d’une vibration maléfique, puissante, s’approche. Il vient pour moi. Je me détache de l’arbre, et empoigne la poignée de mon épée lourde qui dépasse de mon épaule gauche et la détache de son fourreau. En avançant vers la Source de Terreur, je laisse la pointe tracer un sillon sur mes pas. Je me souviens alors de ce que m’a appris mon maître. Alors je me concentre. Non pas sur les énergies qui permettent de manipuler les éléments qui m’entourent. Mais sur l’infiniment petit. Sur ce qui compose les éléments eux-même. Sur ce qui compose l’énergie elle-même. Un adversaire de cette trempe nécessite de telles extrémités. D’ailleurs, les êtres des ténèbres sont imbattables sans utiliser ce niveau de magie.
Il me regarde approcher. Ses griffes, longues comme mes avant-bras, sont plantées dans la terre meuble de la clairière. Il reste immobile. Son corps long et puissant frémit d’excitation. Sa tête de taureau me domine de deux bons mètres, ses pates avant, musculeuses, sont aussi épaisses que mon tronc, celles de l’arrière train au moins deux fois plus. Une tête de taureau et un corps de lion. Sa peau semble constituée de fumée grise, de poussières et d’ombres, sans cesse en mouvement, donnant une impression de flou assez terrifiante. Ses yeux rouges vifs, eux aussi parsemés d’ombres flottantes, me fixent avec avidité. Il veut mon âme. Sa nourriture préférée.
Mon cœur bats dans ma poitrine à un rythme effréné. Le son des battements résonne dans mes oreilles. Même mes longues années d’expériences et de vie de mage combattant  ne me permettent pas de calmer mon angoisse face à une telle créature. Je me mets en garde, et me prépare à manipuler les atomes de l’air ambiant pour créer une friction. Si j’arrive à charger suffisamment l’air en électricité, je peux créer un arc électrique suffisamment puissant pour déséquilibrer sa carapace de fumée et d’ombre, et attaquer avec mon épée La Source, son cœur, la sphère de vie qui le maintien dans ce monde.
Il a anticipé mon attaque ! Un frisson d’infinie terreur s’empare de mon esprit, alors que son rugissement s’élève, à peine mon mouvement entamé. Je sais que j’ai perdu, je sais que je suis mort. Son hurlement continue de résonner à mes oreilles quand l’obscurité m’engloutis, l’engourdissement m’enlève toute possibilité de lutte. Je vais mourir là, transpercé par les griffes du Béhémoth.
J’ouvre les yeux. L’obscurité est infinie. Je suis toujours engourdi. Je ne me rappelle pas ce qui m’a amené là. J’entends une voix lointaine. Est-ce celle des créatures de l’au-delà ? Soudain, elle devient claire, déchire l’obscurité elle-même et provoque un électrochoc terrifiant, angoissant, qui me fais reprendre instantanément tous mes esprits, ainsi qu’arriver une vague d’intense regret, comme si je pouvais sur un simple souhait retourner dans le monde dans lequel j’étais juste avant.
-« Putain Mathieu sérieux t’entends pas Nolan qui hurle depuis tout à l’heure ? J’en ai marre moi de me lever tout le temps, déjà que je suis crevée d’allaiter Manoé toutes les deux heures tu pourrais faire un effort ! »
-« Ok t’énerve pas, j’y vais… »
Hmmm… Dure réalité que la vie de parent.
Le point positif, c’est que j’ai encore toute mon intégrité physique et que quand même, je suis toujours vivant.
Et puis en fait, elle est vraiment bien la réalité ! J’ai pas une super épée qui déchire ni des pouvoirs exceptionnels, certes, mais je ne changerais ma vie pour rien au monde, ni pour un rêve.


3 commentaires:

Unknown a dit…

je crois que ton rêve, c'était un cauchemar! mais ma parole, tu devrais écrire...

Rachel a dit…

T en fais des droles de reves toi!

Rachel a dit…

tu joue trop a dark soul lol